By Jacques Adler Jean Pierre 
L’annonce de la 7e édition du Festival Théâtre Communauté des Noirs (FETHÉCOMNOIRS) à Montréal ne se limite pas à l’événement culturel qu’elle décrit ; elle porte en elle une réflexion plus vaste sur la place du théâtre afro-descendant dans les dynamiques de représentation, de mémoire et d’identité.
Un Théâtre Comme Acte Politique et Réparateur
Le choix du thème, « Un théâtre en majuscule pluriel », est un appel à la reconnaissance et à la valorisation de récits souvent marginalisés. La majuscule symbolise la réhabilitation d’une parole longtemps subalterne, un théâtre qui refuse la minoration et qui s’inscrit dans une pluralité d’expressions, à l’image de la diversité des trajectoires afro-descendantes.
Dans un contexte où les débats sur l’équité, la diversité et l’inclusion sont fragilisés par des replis identitaires et des résistances systémiques, FETHÉCOMNOIRS apparaît comme un espace de contre-discours. Il réaffirme que les récits afrodescendants ne sont pas périphériques mais centraux à l’histoire et à la culture des Amériques.
L’Art comme Mémoire et Transmission
Ce festival s’inscrit dans une tradition théâtrale où la scène devient un lieu de mémoire vivante. La programmation, qui allie théâtre, musique, poésie et conte, témoigne d’un engagement à perpétuer des formes d’expression ancrées dans l’oralité et la transmission intergénérationnelle.
Les pièces sélectionnées, comme Général-Baron-la-Croix, Les Revenants ou Corps et Âmes, illustrent une dramaturgie où les thèmes de l’exil, de la résilience et des héritages culturels sont omniprésents. Elles rappellent que le théâtre afrodescendant est une écriture de la résistance, un dialogue avec l’histoire et une exploration des blessures encore ouvertes du colonialisme et du racisme structurel.
Un Festival au Croisement du Local et du Global
FETHÉCOMNOIRS dépasse les frontières de Montréal et s’inscrit dans une dynamique transnationale. Le fait que certaines éditions aient eu lieu en Haïti – notamment à Cap-Haïtien et à Jacmel – démontre une volonté de reconnecter la diaspora avec ses racines culturelles. Cette initiative s’apparente à une reterritorialisation du théâtre, où les artistes et les œuvres circulent entre différents espaces de la diaspora pour tisser des liens et enrichir une identité collective en mutation.
L’évocation de figures majeures comme Frankétienne, Gary Victor ou Faubert Bolivar souligne la continuité d’un héritage littéraire et dramatique haïtien qui s’exporte et se renouvelle à travers ces plateformes. Il s’agit donc non seulement de donner de la visibilité aux artistes noirs, mais aussi d’inscrire leurs œuvres dans un patrimoine culturel mondial.
Un Théâtre de la Représentation et de la Légitimité
Enfin, ce festival interroge la question de la légitimité artistique dans des espaces où les rapports de pouvoir sont encore marqués par des dynamiques d’exclusion. En mettant en avant un festival de théâtre noir francophone unique en Amérique du Nord, Ralph Civil et son équipe posent une question fondamentale : pourquoi les récits et esthétiques afrodescendants doivent-ils encore se battre pour être reconnus dans les circuits traditionnels du théâtre ?
En offrant aux artistes un lieu où leur parole est non seulement entendue mais célébrée, FETHÉCOMNOIRS agit comme un outil de déconstruction des hiérarchies culturelles et de construction d’une nouvelle cartographie des arts de la scène.
En définitive, cette 7e édition s’annonce comme un moment fort de réappropriation et d’affirmation, où le théâtre devient une voix collective, un espace de revendication et un levier d’émancipation. Plus qu’un événement, c’est un manifeste artistique qui résonne dans un monde en quête de justice et de reconnaissance.
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